Crois-tu que tout ce que tu fais atteint les gens ? L’acceptent-ils, le comprennent-ils ?
| Whatever it is you do, do you feel you are getting across? Are the people accepting it, understanding it? |
Nous avons été très satisfaits de l’accueil que nous avons reçu à Salt Lake City la semaine dernière. Pour la première fois, il semblait que le public de la classe moyenne saisissait l’idée de ce que nous faisions. Ils l’écoutaient pour ce que c’était et semblaient capables de décider s’ils l’aimaient ou non, et pas seulement : « Mince, qu’ils sont farfelus ! » Ils semblaient capables de distinguer les différentes qualités musicales. Je pense que ça dépend surtout du fait d’être déjà entré en contact avec elles ou non. Quand nous avons commencé, nous étions les seuls à les jouer. Les gens pouvaient dire qu’elles étaient bizarres. Puis, peu à peu, d’autres groupes ont commencé à reprendre certaines de nos choses. Ces innovations ont été absorbées par les groupes les plus populaires. Alors, après que les gars ont écouté les disques des grands groupes ‘sains et propres’ à la radio, leurs oreilles se sont un peu plus ouvertes.
| We were pretty excited about the reception we got in Salt Lake City last week. For the first time the middle-class audience seemed to have got the idea of what we were doing. They heard it for what it was and they seemed to make a decision of whether or not they liked it - not just: “Oh boy, they’re freaky!” They seemed to be able to differentiate between the different musical qualities. I think it is a matter of exposure more than anything else. When we started we were the only ones doing it. People could say it was weird. Then gradually some of the other groups started picking up some of the things that we do. The innovations were absorbed by the more popular groups. So when the kids would hear the records on the radio by the good clean wholesome groups, it stretched their ears out a bit. |
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Quelles étaient ou quelles sont ces choses ?
| What were, or are, some of these things? |
Quelques effets électroniques combinés aux phrasés musicaux. Tous les éléments de bruit. Les changements dans les signatures rythmiques. Les changements de rythme. Bien sûr, on ne peut pas danser dessus, alors maintenant ils les écoutent. Il y a longtemps, ce n’était pas le cas. À cette époque-là, le public était hostile à ce que nous faisions. Ils nous ont fait passer des mauvais moments. Or, tous les musiciens se sont toujours sentis profondément blessés quand le public désapprouvait leur performance. Ils s’excusaient et essayaient de se faire aimer. Nous ne faisons pas ça. Nous disions au public d’aller se faire foutre.
| Some of the electronic effects in combination with musical lines. All the noise elements. Time signature changes. Rhythm changes. You sure can’t dance to it, so now they’re listening. In the old days it wasn’t like that. At that time the audiences were hostile to what we did. They gave us a bad time. Now, historically, musicians have felt real hurt if the audience expressed displeasure with their performance. They apologized and tried to make the people love them. We didn’t do that. We told the audience to get fucked. |
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Même si vous n’êtes presque jamais diffusé à la radio, vous avez vendu un nombre surprenant de disques.
| Without any significant air play, you’ve sold a surprising number of records. |
Il est impossible de dire combien de disques nous avons vendus. Les rapports que nous recevons de la Metro-Goldwyn-Mayer sont tellement nuls que nous ne pouvons pas leur faire confiance. Les ventes sont estimées entre 300 000 et 800 000. Un appel a été déposé et nous sommes en train d’examiner leurs dossiers.
| There is no way of telling how many records we’ve sold. The accounting we receive from MGM is so bullshit it’s not to be believed. Sales are estimated from 300,000 to 800,000. A suit has been filed and we are auditing their books. |
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Est-ce à dire que tu ne travailles plus pour la Metro-Goldwyn-Mayer ?
| Is this to say you are no longer with MGM? |
Je préférerais ne pas enregistrer du tout plutôt que de revenir à la Metro-Goldwyn-Mayer.
| I think I would rather not record than go back with MGM. |
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Quelle est l’histoire derrière « Sauce Grumeleuse » ? Cet album a été écrit et produit pour Capitole mais a été lancé par la Metro-Goldwyn-Mayer.
| What’s the story behind “Lumpy Gravy”? It was written and produced for Capitol, but came out on MGM. |
C’était une histoire très bizarre. À l’époque où ils m’ont demandé de le faire, ni la Metro-Goldwyn-Mayer ni personne d’autre ne m’avait jamais demandé de faire de la musique sérieuse qui s’écartait en quelque sorte du format rock & roll normal. Capitole est venue me demander d’écrire quelque chose pour un orchestre. Mon contrat avec la Metro-Goldwyn-Mayer était en tant que producteur, pas en tant qu’artiste, donc c’était bien. Mais la Metro-Goldwyn-Mayer a menacé de poursuivre Capitole et Capitole a riposté. Ensuite, elles ont pensé qu’elles avaient besoin l’une de l’autre ; la Metro-Goldwyn-Mayer a signé un contrat avec le Capitol Record Club. Tout a été réglé selon un accord commercial standard à l’américaine : acheté par Capitol et lancé par la Metro-Goldwyn-Mayer. Mais à ce moment-là, j’étais vraiment en colère contre la Metro-Goldwyn-Mayer.
| It was a really weird deal. At the time they asked me to do it, I had never been asked by MGM or anybody else to do any serious music, any possible variation from the ordinary rock & roll format. Capitol came along and asked me to write something for an orchestra. My contract with MGM was as a producer and not as an artist, so it was cool. But then MGM threatened to sue Capitol and Capitol threatened them. Then they both figured they needed each other; MGM had a record deal with the Capitol Record Club. It all settled down to a regular American business deal: buy it from Capitol and put it out on MGM. By now I was really pissed with MGM anyway. |
Par exemple : ils m’ont envoyé un échantillon d’essai de « Nous ne Faisons Ça que pour l’Argent » avec tout un tas de censures. Voici l’une des strophes qu’ils avaient coupées : « Et je me souviens toujours de la maman avec son tablier et son carnet qui apportait à manger à tous les gars chez le Café d’Ed ». Or, non seulement couper ça n’avait aucun sens, mais supprimer quatre mesures avant le pont avait ruiné le morceau. Et ils avaient changé la correction sonore. Pour masquer les paroles, ils avaient supprimé les aigus et augmenté les graves et les médiums. Ils m’ont alors envoyé cet échantillon et j’étais censé signer une autorisation de publication. Je les ai appelés et j’ai dit : « Vous ne pouvez pas sortir ce disque ! » Et 40 000 exemplaires avaient déjà été imprimés. Puis, six ou huit semaines plus tard, j’ai reçu un appel au sujet de « Sauce Grumeleuse ». Ils venaient d’imprimer 12 000 exemplaires qui avaient déjà été distribués, sans même m’avoir envoyé aucune autorisation à signer.
| Example: they sent me a test pressing of “We’re Only In It for the Money” that had a whole bunch of stuff censored out of it. This is one line they cut: “And I still remember mama with her apron and her pad, feeding all the boys at Ed’s cafe”. Now, this not only didn’t make tiny sense to cut, it fucked up the piece of music by removing four bars before the bridge. And they changed the equalization. They removed the highs, boosted the bottom and the middle to obscure the words. So they sent me this test pressing and I’m supposed to sign a paper saying they can release it. I called them up and said: “You can’t put this record out!” And they’ve already pressed 40,000 of them. Then, six or eight weeks later, I got a call about “Lumpy Gravy”. They had just pressed 12,000 of them and they had already been shipped, and I hadn’t even been sent a release to sign. |
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Quel regard portes-tu rétrospectivement sur les albums que tu as réalisés ?
| How do you look back on the albums you’ve made? |
C’est tout un seul album. Tout le matériel sur les albums est lié organiquement, et si j’avais tous les enregistrements originaux et que je pouvais prendre une lame de rasoir et les couper en morceaux et les remettre ensemble dans un ordre différent, ça sortirait toujours de la musique écoutable. Je pourrais ensuite prendre cette lame de rasoir, la couper en morceaux et la réassembler différemment, et ça aurait toujours du sens. Je pourrais faire ça vingt fois. Ce matériel a sans aucun doute des liens.
| It’s all one album. All the material in the albums is organically related and if I had all the master tapes and I could take a razor blade and cut them apart and put it together again in a different order it still would make one piece of music you can listen to. Then I could take that razor blade and cut it apart and reassemble it a different way, and it still would make sense. I could do this twenty ways. The material is definitely related. |
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Quelles parties de ce ‘grand album’ aimes-tu particulièrement ?
| Any parts of this large album you like particularly? |
« Cochons et poneys » sur « Sauce Grumeleuse », « Le fils idiot et bâtard » sur « Argent », « Les chaussures marron ne sont pas grand-chose » sur « Absolument Libre », « Les policiers de l’esprit » et « Ça ne peut pas arriver ici » sur « Désinhibez-vous ! ».
| “Pig and ponies” on “Lumpy Gravy”, “Idiot bastard son” on “Money”, “Brown shoes don’t make it” on “Absolutely Free”, “Brain police” and “It can’t happen here” on “Freak Out!”. |
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Pourquoi ces chansons en particulier ?
| Why those particular songs? |
« Cochons et poneys » dit exactement ce que je voulais qu’elle dise et l’exécution est comme je la voulais. C’est à 100 % ce que je voulais. Je juge habituellement nos chansons sur une base de pourcentage. « Le fils idiot et bâtard »… j’aime ce qu’elle dit. Je ne suis pas très satisfait de l’exécution, mais j’aime la structure, en particulier la partie parlée au milieu et la façon dont elle se rapporte aux changements d’accords. Pour « Les chaussures marron » c’est presque la même chose : j’aime ce qu’elle dit, même si je ne suis pas très satisfait de l’exécution. « Les policiers de l’esprit » est probablement le morceau le moins bien exécuté de cette liste, mais c’est aussi l’une des chansons les plus importantes. « Ça ne peut pas arriver ici » est bonne à 80 % et, à ma connaissance, possède une structure unique dans le rock & roll.
| “Pigs and ponies” really says what I wanted it to say and the performance is as good as I could have hoped for. It is 100% of what I’d intended. I tend to judge our songs on a percentage basis. “Idiot bastard son”… I like what it says. I’m not too thrilled by the performance, but I like the structure, especially the talking part in the middle and the way that relates to the chord changes. “Brown shoes” is about the same: I like what it says, but I’m not too pleased with the performance. “Brain police” is probably the most poorly performed in this list, but at the same time it is one of the most important songs. “It can’t happen here” rates 80% and is to my knowledge unique in structure in rock & roll. |
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Tu as pris le contrôle de la promotion de tes albums. N’est-ce pas une manœuvre sans précédent ?
| You’ve taken over the merchandising of your albums. Isn’t this rather unique? |
Je pense que c’était plutôt une manœuvre d’autodéfense. Nous n’aurions pas vendu un seul disque si nous en avions cédé le contrôle aux dirigeants de la maison de disques. Ils pensaient que nous étions excentriques. Quelque chose d’original, d’une seule fois, juste pour l’effet. Mais nous n’étions pas comme ça. Nous avons dû leur montrer comment ils pouvaient gagner de l’argent avec ce produit. Dès le début, il a été difficile de les convaincre de nos arguments. Nous avons dû les leur expliquer. D’abord, j’ai voulu prendre le contrôle de la publicité. Ensuite, ils m’ont laissé faire la plupart de la promotion.
| I think it is self defense rather than unique. We wouldn’t have sold any records if we had left it up to the company. They figured we were odd-ball. One shot novelty a-go-go. But we weren’t. We had to show them ways that they could make money on the product. From the beginning it was hard to convince them of what we were talking about. We had to make them understand. First of all, I wanted to take the advertising account. Later they gave me most of it to do. |
Une autre chose… l’intérieur de l’album « Désinhibez-vous ! » me faisait vomir. L’emballage extérieur était en grande partie sous notre contrôle. Sa promotion a été entièrement planifiée, très soigneusement. Au moment où l’emballage de ce disque fut terminé, j’étais à Hawaï. Je ne l’ai pas confié à un expert. En conséquence, il a un très mauvais graphisme. L’un des pires travaux de reproduction que je n’ai jamais vus. Des images avaient été produites - la photo dans le coin inférieur droit ? - c’était une vue d’ensemble de tous ces gens-là. Ils l’ont rétrécie et reléguée dans un coin. J’ai crié sur tous les toits.
| Another thing… the interior of the “Freak Out!” album made me vomit. The exterior packaging was pretty much under our control. That was all very carefully planned merchandising there. At the time the packaging was being completed on that record I was in Hawaii. I didn’t give it to an expert. The result was a really ugly piece of graphic art. Some of the worst reproduction work I have ever seen. Some of the pictures that were produced - the picture in the lower right hand corner? - it is a great panorama of all those people. They shrank it down and stuck it in the corner. I screamed all over the place. |
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Après avoir pris le contrôle de la publicité, qu’as-tu fait ?
| When you took over the advertising, what did you do? |
La Metro-Goldwyn-Mayer n’avait la moindre idée de comment faire de la promo dans la presse underground, dans les journaux hippies ou de gauche, dans tout ce qui ne ressemblait pas aux médias institutionnels. Nous cherchions quelque chose de spécifique qui piquerait la curiosité des ceux qui avaient une certaine curiosité pour les choses. Qu’aiderait à atteindre les gens de la communauté qui auraient acheté le produit, qui l’auraient écouté et peut-être mieux compris que s’il était commercialisé auprès d’un public qui l’aurait rejeté. C’est le bouche à oreille qui a vendu le produit. Nous ne nous sommes pas adressés au public des fils à papa. Nous voulions les gens qui l’apprécieraient et engageraient d’autres gens.
| MGM had no idea of merchandising in the underground press, and in certain periodicals that might tend to be left-wing, hippie oriented, anything that didn’t look like establishment media. We went after a peculiar audience-appealing to the curiosity of people who had some curiosity about things. It helped to do the job and helped reach just those people in the community that would get the product, hear it, and perhaps understand it more than if it had been merchandised to an audience that would have rejected it. Word of mouth is what sold the product. We didn’t go after the teeny-bopper audience. We wanted those who would dig it and turn other people on to it. |
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Es-tu en train d’enregistrer quelque chose en ce moment ?
| Are you recording at all now? |
Nous avons deux albums en préparation. Nous y travaillons depuis cinq mois. Avec notre argent d’ados, nous avons loué un studio à New York pendant longtemps, sachant secrètement depuis toujours que la Metro-Goldwyn-Mayer ne gagnerait pas… parce que ce sont les bons garçons qui gagnent toujours. Deux albums. L’un d’eux s’appelle « Qu’est-il Arrivé à Ruben & The Jets ? », un projet secret. L’autre est « Aucun Potentiel Commercial », un coffret de trois disques. Six côtés. Il y a des régals de huit minutes comme la police qui interrompt notre session d’enregistrement. Des flics de New York ! En direct ! En vrai ! On ne peut pas le danser. Il y a aussi un morceau dans lequel Jimmy Carl Black, l’indien du groupe, se plaint que nous ne gagnons pas d’argent et qu’il faudra trop de temps au groupe pour atteindre le succès. Deux chansons sur le Stade de la Légion d’El Monte. Une chanson sur les fausses cartes d’identité. Une autre chanson sur les mamelons. Une chanson surréaliste de rhythm & blues intitulée « L’air qui sort de ta bouche ». Deux autres choses surréalistes : « M. Gènes Verts » et « Électrique Tante Jemima ». Nombreuses pièces instrumentales. Dans une chanson de 90 secondes nous avons utilisé 40 pistes. Il nous a fallu quatre jours pour la monter. Il sortira probablement à l’automne.
| We have two albums in the can. We’ve been working on this for the past five months. We bought a huge block of time in a studio in New York with our own teenage money, secretly knowing all along MGM would bite the dust… because good guys always win. Two albums. One is “Whatever Happened to Ruben & The Jets?” - a secret project. The other is “No Commercial Potential”, a three-record set. Six sides. It has such eight-minute tidbits as police busting our recording session. New York cops! Live! In person! You can’t dance to it. It also has it piece where Jimmy Carl Black, the Indian in the group, is bitching because we are not making any money and it’s taking too long for the band to make it. Two songs about El Monte Legion Stadium. A song about fake IDs. Another song about teats. A surrealistic R&B song called “The air escaping from your mouth”. Two other surrealistic things: “Mr. Green Genes” and “Electric Aunt Jemima”. Lots of instrumentals. On one song we used 40 tracks and the tune lasts 90 seconds. That one took us four days to put together. It’ll probably be released in the fall. |
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J’ai lu que tu es un musicien autodidacte. Comment as-tu commencé ?
| I’ve read you’re a self-taught musician. How did you get started? |
Je voulais jouer de la batterie, alors j’ai pris des baguettes et j’ai commencé à frapper les meubles à fond la caisse, jusqu’au moment où mes parents ont capitulé et m’ont acheté une caisse claire. D’abord, je n’écoutais pas de rhythm & blues, j’étais surtout intéressé par la musique orchestrale. Ensuite, j’ai écouté du rhythm & blues et je voulais rejoindre un groupe de rhythm & blues. J’ai cherché de l’argent pour monter un groupe. À cette époque, l’instrument soliste n’était pas la guitare ; c’était le saxophone. Puis j’ai commencé à écouter de la guitare. Je voulais qu’ils la jouent de cette façon, mais ils ne le faisaient pas. À 18 ans, j’ai arrêté de jouer de la batterie et j’ai acheté une guitare aux enchères. Elle coûtait un dollar et demi. C’était l’une de ces vieilles guitares archtop avec des trous en forme de F. Les cordes étaient tellement hautes que je ne pouvais pas jouer d’accords, alors j’ai commencé à jouer des phrasés tout de suite. Je n’ai appris à jouer des accords qu’environ un an plus tard. Après quatre semaines, je jouais des accompagnements merdiques pour ados. Quand j’avais 21 ou 22 ans, j’ai acheté une guitare électrique, mais j’ai découvert que je ne pouvais pas en jouer et j’ai dû recommencer à zéro.
| I wanted to play drums, so I got some sticks and started beating the shit out of the furniture to the extent that my parents gave up and got me a snare drum. I hadn’t heard any R&B then and was basically interested in orchestra music. Then I heard some R&B and wanted to be in a R&B band. I tried to get some money to get a band together. At that time the guitar wasn’t the solo instrument; it was the saxophone. Then I started hearing a few guitars. I wanted them to do it this way and to play it that way, but they didn’t do it. I stopped playing the drums and I got a guitar when I was 18. It cost $1.50 at an auction. It was one of those old archtop F-hole jobs. The strings were so high I couldn’t play chords on it, so I started playing lines right away. I didn’t learn to play chords until after about a year. In four weeks I was playing shitty teenage leads. When I was 21 or 22 I got an electric guitar, but I found I couldn’t play it and I had to start all over again. |
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Quand as-tu formé ton premier groupe ?
| When did you get your first band together? |
Quand j’étais au lycée, avant de commencer à jouer de la guitare. C’était un groupe appelé Blackouts… au lycée d’Antelope Valley. Lancaster était une petite ville amusante. Ils avaient eu une mauvaise expérience vers 1954, avant de mon déménagement dans cette vallée. Joe Houston et Marvin et Johnny et quelques autres étaient venus faire un spectacle de rhythm & blues. C’était la première fois que les gens dans cette partie du monde voyaient du rhythm & blues. Et bien sûr, avec les groupes sont arrivés les dealeurs et la ville était vraiment effrayée.
| When I was in high school before starting on the guitar. It was a group called the Blackouts… in Antelope Valley High School. It was a funny small town - Lancaster. They had had a bad experience about 1954, prior to the time I moved into the valley. Joe Houston and Marvin and Johnny and some others came in and did a R&B show. This was the first time any people in that part of the world had ever seen R&B. And of course with the groups came the dope peddlers and the town was really scared. |
À cette époque, la police avait peur des ados. C’était un mauvais environnement. Bagarres entre les gangs et tout ça. Puis je suis arrivé en ville. Je travaillais avec un groupe de rhythm & blues à San Diego. J’avais monté un groupe et nous sommes restés ensemble assez longtemps pour apprendre dix chansons. En dehors de la ville, il y avait une colonie de Nègres appelée Sun Village et c’étaient eux qui soutenaient notre groupe. Il y avait eu des danses avec beaucoup de Nègres et ça avait fâché les gens de la ville. La veille d’un spectacle, la police m’a arrêté pour vagabondage et m’a gardé en prison toute la nuit.
| In those days the police were afraid of teenagers. It was a bad scene. Gang fights and all that. Then I came to town. I had been working with an R&B group in San Diego. I got a band together and we stayed together long enough to learn ten songs. There was a Negro settlement outside of town called Sun Village and it was those people who supported the group. We had these huge Negro dances and this upset the people in the town. The police arrested me for vagrancy the night before one show and I was in jail overnight. |
Mes parents m’ont fait sortir. Le groupe est resté ensemble jusqu’au moment où tous ont commencé à se détester l’un l’autre. Après ça, j’ai quitté le groupe, qui s’est transformé en « Omens », maintenant l’un d’entre eux est dans les Mothers et d’autres avec le Capitaine Cœur de Bœuf. Don Vliet (le Capitaine Cœur de Bœuf) faisait également partie du groupe. Don et moi nous rencontrions après l’école et écoutions des disques pendant trois ou quatre heures. Nous commencions chez moi, ensuite prenions quelque chose à manger et sortions dans sa vieille Oldsmobile pour chercher de la chatte - à Lancaster ! Puis nous allions chez lui, donnions l’assaut au fourgon à pain de son père, nous nous asseyions pour manger des pains à l’ananas et écoutions des disques jusqu’à cinq heures du matin et parfois nous séchions l’école le lendemain. Cela semblait être la seule chose qui comptait à ce moment-là. Nous avions écouté ces disques tellement de fois que nous aurions pu chanter ses accompagnements à la guitare. Nous nous faisions des quiz l’un l’autre sur le nombre de disques que quelqu’un avait sorti, quel était son dernier disque, qui l’avait écrit, quel était son numéro de catalogue.
| My parents bailed me out. The band stayed together until everybody got to hate each other’s guts. After that I left the group and it turned into “The Omens”, some of whom are now in the Mothers and some are with Captain Beefheart. Don Vliet (Captain Beefheart) was in the band. Don and I used to get together after school and would listen to records for three or four hours. We’d start off at my house, and then we’d get something to eat and ride around in his old Oldsmobile looking for pussy - in Lancaster! Then we’d go to his house and raid his old man’s bread truck and we would sit and eat pineapple buns and listen to these records until five in the morning and maybe not go to school the next day. It was the only thing that seemed to matter at the time. We listened to those records so often we could sing the guitar leads. We’d quiz each other about how many records does this guy have out, what was his last record, who wrote it, what is the record number. |
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On dit que tu as l’une des meilleures collections de disques de rhythm & blues au monde. C’est vrai ?
| You’re reported to have one of the best R&B record collections in the world. True? |
Elle est remarquable. Tout est là, dans ce placard. Tu veux la voir ? Certaines des choses les plus anciennes remontent à la fin des années 40. Il existe de nombreuses autres collections plus grandes. Dans ma collection, il y a tous les disques que j’ai aimés. J’ai collectionné les chansons qui me font sentir nostalgique du lycée.
| It’s sizeable. It’s all over there in the closet. Wanna see it? Some of the earlier stuff goes back to the late ‘40s. There are a lot of collections that are larger. My collection is all the records that I liked. My collection is songs that make me feel nostalgic about high school. |
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On dirait que ce du lycée est un thème important pour toi…
| As a theme, high school seems important to you… |
Je pense que beaucoup de gens, y compris ceux qui le fréquentent, ne savent pas ce qu’est le lycée. Mon matériel leur donne une perspective. Les gens sont stupides. Ils ne s’arrêtent jamais pour se poser des questions. Ils acceptent tout court les choses. Peux-tu imaginer un Pays qui ne remet jamais en cause la valeur des pom-pom girls et des pompons ? À Lancaster, les pom-pom girls avaient une grande importance, l’hymne « Boola Boola » ne leur suffisait pas ; elles dirigeaient aussi le conseil étudiant. Ce n’étaient que des cochonnets. Pour moi c’était trop américain.
| I feel a lot of people don’t know what high school is - including those who are in it. My material is provided to give them some perspective. People are stupid. They never stop to question things. They just accept. Can you imagine a nation who never questions the validity of cheerleaders and pom-poms? At Lancaster, the cheerleaders had such an importance, “Boola Boola” wasn’t enough for them; they were running what you call the student government, too. They were just pigs. It was too American for me. |
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Selon toi, en quoi les jeunes d’aujourd’hui sont-ils différents de ceux d’il y a, disons, dix ans ?
| How do you think young people today differ from young people, say, ten years ago? |
Bien sûr, ils ont la vie facile maintenant, non ? À l’époque, pour prendre la voiture tu devais te battre avec ton père. Si tu demandes la voiture à ton père aujourd’hui, il te répondra : « Laquelle ? » Autrefois, tu traînais ton vieil homme sur la pelouse et vous vous battiez, il te disait de rentrer à la maison à minuit et tu rentrais à minuit. De nos jours, les parents n’osent pas te dire à quelle heure tu dois rentrer à la maison. Ils ont peur que tu ne rentres pas du tout. Que tu prennes de l’acide, que tu rejoignes un groupe de rock & roll. S’enfuir de chez soi n’est pas comme au vieux temps. Aujourd’hui, tu sais qu’il y a des gens un peu plus âgés que toi qui prendront soin de toi. À cette époque, il était dangereux de s’enfuir de chez soi. Il n’y avait pas de scène underground. Il n’y avait que des groupes d’adultes, peut-être plus désagréables que tes parents.
| They certainly do have it easy, don’t they? In those days you had to punch it out with your father for the car. Today, you ask your father for the car and he says: “Which one?” In the old days you’d drag your old man out on the lawn and kick the shit out of each other and he’d say be home by midnight - and you’d be home by midnight. Today, parents don’t dare tell you what time to get in. They’re frightened you won’t come back. You’ll take acid, you’ll join a rock & roll group. It’s not like running away from home used to be in the old days. You know today there are going to be some people a little older than you who will take care of you. In those days, it was dangerous to leave home. There was no underground scene. There was just bunches of older people, who were maybe nastier than your folks. |
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À quel moment les Mothers se sont-ils formés ?
| At what point were the Mothers formed? |
Jimmy Carl Black était en train de mettre en gage des cymbales de batterie pour manger et dans ce prêteur sur gage, il a rencontré Roy (Estrada). Ils ont commencé à parler et ont formé un groupe appelé Soul Giants. Ray (Collins) les a rejoints et ils travaillaient dans un club à Pomona appelé Broadside. Ray ne s’entendait pas avec le guitariste du groupe et quand ils se sont rapidement retrouvés sans guitariste, ils m’ont appelé et m’ont demandé de le remplacer. J’ai pensé que c’était un petit groupe stylé et j’ai proposé un accord pour former un groupe et faire un peu de thune, peut-être même de la musique… mais au départ c’était un accord sur l’argent.
| Jimmy Carl Black was hocking some cymbals so he could eat, and he ran into Roy (Estrada) at the same hock shop. They started talking and formed a group called the Soul Giants. Ray (Collins) joined them and they were appearing at a club called the Broadside in Pomona. Ray had a disagreement with the guitar player with the group and when they soon found themselves without a guitar player, they called me, asked me to substitute. I thought it was a spiffy little group and I proposed a business deal whereby we’d form a group and make some money, maybe even a little music… but initially it was a financial arrangement. |
Quand on doit se battre pour travailler dans des boîtes de nuit jusqu’à sept dollars chacun par soirée, tout d’abord on pense à l’argent. Il y a toujours l’espoir qu’en restant ensemble assez longtemps, on pourrait gagner de l’argent et décrocher un contrat d’enregistrement. À l’époque, ça ressemblait à de la science-fiction parce que c’était l’époque de ce qu’on appelait l’invasion britannique et si tu ne ressemblais pas aux Beatles ou aux Stones, tu ne pouvais pas trouver de boulot. Ce n’était pas notre genre. Nous jouions de trucs bizarres et ils nous viraient. Je poussais à résister et nous déménagions dans une autre boîte de nuit : le Red Flame à Pomona, le Shack à Fontana, le Tom Cat à Torrance.
| When you’re scuffling in bars for zero to seven dollars per night per man, you think about money first. There’s always the hope held out that if you stick together long enough you’ll make money and you’ll get a record contract. It all sounded like science fiction then, because this was during the so-called British Invasion and if you didn’t sound like the Beatles or the Stones, you didn’t get hired. We weren’t going about it that way. We’d play something weird and we’d get fired. I’d say hang on and we’d move to another go-go bar: the Red Flame in Pomona, the Shack in Fontana, the Tom Cat in Torrance. |
J’avais un groupe appelé « Mothers » quelque temps avant, mais à l’époque nous nous appelions « Captain Glasspack and His Magic Mufflers ». C’était un drôle de période. Nous nous sommes même fait virer de certaines jam sessions de fin de soirée. Après un certain temps, nous sommes retournés au Broadside à Pomona et avons choisi le nom « Mothers ». C’est passé, tout à fait par hasard, le jour de la Fête des Mères, même si nous ne le savions pas à l’époque. Quand on crève de faim, on ne prête pas attention aux célébrations.
| Sometime before this I’d had a group called “the Mothers”, but while all this was going on we were called “Captain Glasspack and His Magic Mufflers”. It was a strange time. We even got thrown out of after-hours jam sessions. Eventually we went back to the Broadside in Pomona and we called ourselves “the Mothers”. It just happened, by sheer accident, to be Mother’s Day, although we weren’t aware of it at the time. When you are nearly starving to death, you don’t keep track of holidays. |
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Combien de temps avez-vous joué dans des boîtes de nuit ?
| How long did you play the go-go bars? |
Trop longtemps. Il était évident que nous n’allions pas vite vers la célébrité et la fortune. Nous avons décidé d’embaucher un manager, et que fait-on dans ce cas ? On prend quelqu’un qui est un ami et qui est plus âgé. Nous avons embauché Mark Cheka qui a rapidement réalisé qu’il avait besoin d’aide et il avait un ami nommé Herb Cohen. Mark nous a trouvé un boulot à une fête du réalisateur de « Mondo Hollywood » et Herb était là-bas. Herb ne savait pas précisément ce que nous faisions, mais il pensait que nous avions… un potentiel commercial ▶.
| Too long. It was apparent we weren’t moving very fast toward fame and fortune. We decided to get a manager, and what do you do when you decide that? You get a person who is a friend and who is older. We got Mark Cheka, who found out after a while he needed help and he had a friend named Herb Cohen. Mark got us a gig playing a party for the guy who shot “Mondo Hollywood” and Herb was there. Herb didn’t know what we were doing especially, but he thought we had… commercial potential ▶. |
Herb nous a obtenu une audition à l’Action de Hollywood, où nous avions été rejetés six ou sept mois plus tôt parce que nos cheveux n’étaient pas assez longs. Ils n’étaient pas encore très longs, alors nous portions des chemises pourpres et des chapeaux noirs. Nous ressemblions à des entrepreneurs de pompes funèbres mafieux. La direction de cette salle a réagi instinctivement à cette façon de nous présenter et nous a engagés pour quatre semaines. C’était le début de l’âge d’or. L’étape suivante a été le Whisky, ensuite le Trip, qui était comme le paradis. Après l’Action, nous avons décroché un contrat au Whisky parce que Johnny Rivers, qui était invité permanent là-bas, était parti en tournée et ils avaient besoin de quelqu’un pour combler le vide sans dépenser trop d’argent.
| Herb got us an audition at The Action in Hollywood, where six or seven months earlier they’d turned us away because our hair wasn’t long enough. It still wasn’t very long, so we went in wearing purple shirts and black hats. We looked like Mafia undertakers. The management of this establishment responded on a visceral level to this packaging and hired us for a four-week tour of duty. That was the start of the Big Time. Next up the ladder was the Whisky, and then The Trip, which was just nirvana. We were booked into the Whisky after The Action because Johnny Rivers, who was always there, was on tour and they needed someone to fill in - cheap. |
Notre situation là-bas était si précaire que jusqu’aux trois derniers jours ils n’ont même pas mis un panneau avec notre nom dehors, et nous avons même dû payer pour ce panneau. Nous sommes ensuite allés travailler chez le Trip, où nous recevions de nombreuses demandes pour « Aide, je suis une pierre » et « Souvenirs d’El Monte ». Le problème était que pendant ces chansons personne ne dansait parce que je parlais au milieu et le public voulait écouter. Elmer (Valentine) voulait que les gens dansent dans son club, mais si quelqu’un regardait par la porte et voyait la piste de danse vide, il n’entrerait pas. C’est du moins ce qu’il disait. Alors un soir, nous avons joué ces deux chansons pendant une heure ! Pendant une bonne heure, personne n’a dansé. Peu de temps après, nous vendions des bouteilles vides pour acheter des cigarettes et de la mortadelle.
| Our situation was so shaky there they didn’t even put a sign out saying we were playing inside until our last three days, and we had to pay for the sign then. Then we went into The Trip, where we got lots of requests for “Help, I’m a Rock” and “Memories of El Monte”. The trouble was, no one danced during these songs because there’s talking in the middle and the audience wanted to listen. Elmer (Valentine) wanted people to dance in his club because if someone looked in the door and saw an empty dance floor, they wouldn’t come in. At least this is what he said. So one night we played both those tunes together for an hour! For a solid hour nobody danced. Immediately after that we were selling pop bottles to get money for cigarettes and baloney. |
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Quand as-tu signé avec la Metro-Goldwyn-Mayer ?
| When did you sign with MGM? |
Ils nous avaient vus au Whisky et nous avons commencé à enregistrer à l’époque des bouteilles vides. Le premier jour d’enregistrement, nous n’avions même pas l’argent pour manger. Si Jesse Kay ne nous avait pas donné dix dollars, nous nous serions évanouis. Mais il l’a fait et nous ne nous sommes pas évanouis, et ce premier jour nous avons fait six pistes. À partir de là, l’ascension vers la célébrité auprès les ados a commencé.
| They saw us at the Whisky and we started recording during the pop bottle days. The first day of recording we didn’t even have money to eat. If Jesse Kay hadn’t given us ten dollars, we’d have passed out. But he did and we didn’t, and we laid down six tracks that first day. After that it was upward and onward to teenage stardom. |
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L’image du groupe a-t-elle été soigneusement planifiée ? L’image freak ?
| Was the group’s image carefully planned? The freak image? |
Il y a une différence entre les freaks et les hippies. Les hippies ne se soucient pas de leur apparence, les freaks, eux, s’en soucient beaucoup. Leur manière d’apparaître et la construction de leur image représentent une partie très importante de leur mode de vie. Or, je ne disais pas aux garçons du groupe quoi porter ; je leur simplement suggérais de s’habiller en fonction de ce que nous faisions. Je pensais qu’en jouant de la musique du genre que nous jouions, nous ne pouvions pas nous présenter avec des bananes élaborées, comme certains musiciens le faisaient. Pour certains membres, il a fallu un an pour changer. Il faut comprendre que l’un d’eux vive dans le Comté d’Orange et a peur de rentrer chez lui avec une apparence trop bizarre. Après un certain temps, ils se sont rendus. Ça fait deux ans que nous n’en avons pas parlé.
| There’s a difference between freaks and hippies. Hippies don’t really care what they look, like and the freaks care an awful lot. Their packaging and image construction is a very important part of their life style. Now, I didn’t tell the guys what to wear; I merely suggested their mode of dress conform to what we were doing. I felt you couldn’t play the sort of music we were playing and look the way some of the guys did - with processed pompadours. It took a year for some of the guys to change. You have to understand some of the guys lived in Orange County and they were afraid to go home if they looked too weird. After a while they gave in. I haven’t talked to them about this in two years. |
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L’image était-elle liée à la musique ?
| The image was related to the music? |
Bien sûr, et c’est toujours le cas, naturellement. L’apparence d’un groupe est liée à la musique de la même manière qu’une pochette d’album est liée au disque. Elle donne une idée de ce qu’il y a à l’intérieur. Et plus l’emballage est bon, plus la personne qui l’a choisi l’appréciera.
| Sure, and of course it still is. The appearance of a group is linked to the music the same way an album cover is linked to the record. It gives a clue to what’s inside. And the better the packaging the more the person who picked up that package will enjoy it. |
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Tu as dit un jour à Davy Jones des Monkees que tu aimais la musique des Monkees plus que tout ce que tu avais entendu à San Francisco. Étais-tu sérieux ?
| You once told Davy Jones of The Monkees you liked Monkees’ music better than anything you’d heard from San Francisco. Were you serious? |
J’ai dit que la plupart des choses qu’ils ont enregistrées sonnait mieux. Les gens pensent que le rock de San Francisco a une valeur cosmique et ainsi de suite, mais c’est de la musique produite, et la musique produite n’a pas de valeur. Bien sûr, la musique des Monkees est aussi produite, et à ce stade, je voudrais dire : ils valent presque le même, mais il semble que les disques des Monkees sont mieux produits. Le problème avec les groupes de San Francisco, c’est que je m’attendais à des prodiges et des miracles, mais je n’ai entendu que des groupes de blues blancs qui sonnaient moins originaux que mon petit groupe de lycée.
| I said most of what they recorded sounded better. People think San Francisco rock is supposed to be cosmic value and all that, but it is manufactured music and manufactured music is worthless. Monkees’ music is manufactured, too, of course, and I’d like to say at this point: they’re worth about the same, except the Monkees’ records sound better produced. The problem with San Francisco groups is, I was expecting wonders and miracles, and what I heard was a bunch of white blues bands that didn’t sound as funky as my little band in high school. |
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Y a-t-il des groupes dans ce secteur que tu considères comme valables ?
| Are there any groups in the business you feel have any legitimacy? |
Oui. J’aime les Chrysalis, Jimi Hendrix, les Cream, le Capitaine Cœur de Bœuf, les Traffic. Et pas nécessairement dans cet ordre.
| Yes. I like the Chrysalis, Jimi Hendrix, the Cream, Captain Beefheart, Traffic. And not necessarily in that order. |
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Pas d’artistes solo ?
| No solo artists? |
Parmi quels artistes solo peut-on choisir ? Je pense que la plupart du travail créatif a été réalisé par des groupes et non par des artistes solo. Il y a beaucoup d’artistes solo compétents, mais ils ne sont pas exactement en train d’élargir les frontières.
| What solo artists are there to choose from? I feel most of the creative work has been done by groups and not by solo artists. There are several competent solo artists lurking about, but they’re not exactly pushing back any frontiers. |
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Es-tu revenu à Los Angeles parce que tu te sens plus à l’aise ici ?
| Did you come back to Los Angeles because you feel more comfortable here? |
C’est l’une des raisons. J’aime beaucoup Laurel Canyon. C’est le premier endroit où j’ai vécu où je me sens chez moi.
| That’s one of the reasons. I really like Laurel Canyon. It is the first place I have lived that I feel homey. |
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Aviez-vous l’intention de rester à New York aussi longtemps, 18 mois ?
| Did you intend to stay in New York as long as you did - 18 months? |
Non. La première fois que nous y sommes allés, c’était l’Action de Grâce, pendant une semaine, et nous sommes restés jusqu’au Nouvel An. Après ça, nous sommes allés à Montréal pendant deux semaines, puis nous sommes revenus à Los Angeles, mais nous avons été confrontés au problème de ne pas avoir assez de boulot. Les flics avaient tout fermé. Certains membres du groupe ont cinq fils à nourrir. Nous avons reçu une offre pour retourner à New York et jouer dans un théâtre (le Garrick) la semaine de Pâques. Entre-temps, nous avions pris quelques boulots, mais nous avions du mal à joindre les deux bouts. C’est durant cette période que j’ai écrit « Sauce Grumeleuse », en onze jours. Quoi qu’il en soit, New York semblait bien. Nous avons eu tellement de succès pendant la semaine de Pâques que la direction du théâtre a prévu, à tort, de nous garder jusqu’à l’été. Le brut pour les cinq mois a été de 103 000 dollars, ce qui semble fantastique, mais les frais généraux étaient élevés. Le loyer de la salle était de 1 000 dollars par mois. L’électricité, 500 dollars de plus, donc nous avons fini par gagner environ deux cents dollars par semaine chacun.
| No. The first time we went there was Thanksgiving, for a week, and we got held over until New Year’s. We finally left and went to Montreal for two weeks, then back to L.A., but ran into the problem of not enough work. The cops had shut everything up. Some of the boys in the band have five kids to feed. So we had an offer to go back and play this (Garrick) theatre Easter week. We had a few jobs in between, but we were just eking by. That’s when I wrote “Lumpy Gravy”, in eleven days. Anyway, New York looked good. Easter week was so successful the theatre management erroneously assumed we should be held over through the summer. The gross for the five months was $103,000 and that sounds terrific, but overhead was high. Rent for the building was $1,000 a month. Electricity was another $500, so when it came to the final count, we got maybe two bills a week apiece. |
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Est-ce là que vous avez commencé à mettre en scène vos « atrocités » ?
| Was it there you started performing your “atrocities”? |
Oui. Nous avons tout fait. Nous avons célébré deux mariages sur scène. Nous avons pris quelques personnes dans le public et nous leur avons fait prononcer des discours. Une fois, nous avons amené 30 personnes sur scène, l’un d’elles a pris nos instruments et les autres ont chanté ♫ « Louie Louie » après notre départ. Nous avions un système avec un câble qui allait de la cabine d’éclairage à l’arrière du théâtre, jusqu’à la scène, et le technicien de l’éclairage envoyait en bas des choses par le câble. D’abord, peut-être, une poupée avec les jambes écartées… ensuite, un salami qui se fourrait dans le cul de la poupée.
| Yes. We did everything. We performed a couple of marriages on stage. We pulled people out of the audience and made them make speeches. One time we brought 30 people up on stage and some of them took our instruments and the rest of them sang ♫ “Louie Louie”, as we left. We had a system rigged with a wire running from the light booth at the back of the theatre to the stage and the lighting guy would send stuff down the wire. First, maybe, a spread-eagled baby doll… followed by a salami, that would ram the baby doll in the ass. |
Tout était soigneusement planifié et nous jouaient la musique adaptée à ce genre de chose. Parfois, le technicien de l’éclairage nous surprenait en envoyant des œufs ou d’autres choses vraiment au pif le long du fil. Notre principale attraction était une girafe en peluche. Nous avions sur scène une grande girafe en peluche avec un tube se terminant au milieu de ses pattes arrière. Ray Collins s’approchait de la girafe et la massait avec une chaussette-marionnette en forme de grenouille… après quoi la queue de la girafe se raidissait et de la crème fouettée était éclaboussée depuis le tube sur les trois premières rangées du public. Tout cela, bien sûr, avec un accompagnement musical. C’était le numéro le plus populaire de notre spectacle. Les gens le demandaient toujours. À l’extérieur du théâtre, il y avait un crieur qui traînait les gens de la rue dans cette salle puante pour de sensations fortes et nous leur donnions de sensations fortes.
| It was all carefully planned and we played the right music for this sort of thing. Sometimes the lighting guy would surprise us, and send eggs or something really messy down the wire. Our big attraction was the soft giraffe. We had this big stuffed giraffe on stage, with a hose running up to a spot between the rear legs. Ray Collins would go up to the giraffe and massage it with a frog hand puppet… and then the giraffe’s tail would stiffen and the first three rows of the audience would get sprayed with whipped cream shooting out of the hose. All with musical accompaniment, of course. It was the most popular feature of our show. People would request it all the time. We had a hawker standing outside of the theatre pulling people in from the street into that stinky room for a thrill and we gave them a thrill. |
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Était-ce la seule raison pour laquelle vous faisiez ça ou était-ce en quelque sorte lié à la musique ?
| Was that the only reason you did this, or did it relate to the music somehow? |
La musique est toujours un commentaire sur la société et les atrocités sur cette scène étaient certainement plutôt bénignes comparées à celles perpétrées en notre nom par notre gouvernement. Pour dire ce que tu veux dire, parfois tu n’arrives pas à écrire un accord suffisamment horrible, alors tu dois recourir à une girafe pleine de crème fouettée. De plus, les gens ne savaient pas écouter. Leur intérêt s’estompe et ils ont besoin de quelque chose pour les aider à se focaliser à nouveau.
| Music always is a commentary on society, and certainly the atrocities on stage are quite mild compared to those conducted in our behalf by our government. You can’t write a chord ugly enough to say what you want to say sometimes, so you have to rely on a giraffe filled with whipped cream. Also, they didn’t know how to listen. Interest spans wane and they need something to help them re-focus. |
En réalité, les atrocités ont commencé par accident. Quelqu’un avait donné à l’un des gars une grande poupée et un soir, nous avons invité quelques Marines du public à monter sur scène. Juste pour briser la monotonie. Nous n’avions pas encore commencé les atrocités. Nous avons alors eu l’idée de montrer au public ce qu’étaient vraiment les Marines. J’ai lancé la poupée aux Marines et je leur ai dit : « Voilà une fillette chinetoque… montrez-nous comment nous traitons les chinetoques au Vietnam ». Et ils l’ont déchirée. Nous avons ensuite inclus des accessoires dans tous nos spectacles. Je les appelle des ‘aides visuelles’.
| Actually, the way the atrocities started was accidental. Somebody had given one of the guys a big doll and one night we pulled some Marines out of the audience. Just to break the monotony. We hadn’t started the atrocities yet. So we had this idea we could show the audience what Marines were really like. I threw the doll to the Marines and said: “This is a gook baby… show us how we treat gooks in Vietnam”. And they tore that baby apart. After that we included props in all our shows. I call them visual aids. |
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Dans quelle mesure ce que vous faites pendant un spectacle en direct est planifié ?
| How much of what you actually do in a live show is planned? |
La seule partie planifiée des spectacles sont les éléments constitutifs : certaines choses, les bruits, les chansons, les signaux pour les chansons et pour les bruits. Ces éléments sont assemblés de diverses manières. La séquence est la partie la plus importante du spectacle et vous montrera comment écouter la musique. Tout est contrôlé par des signaux. Par exemple, quand je saute et que je touche le sol, les deux premières notes que je joue à la guitare indiquent aux membres quelle sera la prochaine chanson. J’utilise parfois des signaux manuels pour indiquer un bruit de vomissement ou de grognement. Des choses comme ça.
| The only part of the show that’s planned is the building blocks: certain items, the noises, the songs, the cues for the songs and noises. The elements are assembled in different ways. The sequence is the most important part of the show and it will tell you how to listen to the music. It’s all controlled by signals. When I jump up and hit the ground, for instance, the first two notes I play on the guitar tell the guys what song is next. Sometimes I use hand signals to cue a vomiting sound, or snorking. That sort of thing. |
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La formation du groupe a changé au fil des années. Qui est dans le groupe maintenant ?
| The personnel on the group has changed over the years. Who’s in the group now? |
Ray Collins, le chanteur principal. Je le connais depuis 10 ans, il chante du rhythm & blues depuis 15 ou 16 ans et il a maintenant environ 30 ans. Il a un sens de l’humour vraiment bizarre, comme on peut le voir quand il fait ses tours de magie, qui ne fonctionnent pas. Avant de rejoindre les Mothers, il a travaillé comme barman et menuisier à temps partiel.
| Ray Collins, the lead vocalist. I’ve known him maybe 10 years and he’s been singing R&B for 15 or 16 years, which makes him about 30 now. He has a very bizarre sense of humor, as shown when he performs his magic tricks, which don’t work. Prior to joining the Mothers he was a part-time bartender and carpenter. |
Roy Estrada est le bassiste, il a 26 ans. Il joue du rhythm & blues depuis l’âge de 16 ans, il a passé la majeure partie de sa vie dans le Comté d’Orange, où il conduisait un camion de bois avant de rejoindre le groupe.
| Roy Estrada is the bass player, 26. He’s been playing R&B since he was 16, lived in Orange County most of his life, and was driving a lumber truck before joining the group. |
Le batteur est Jimmy Carl Black, il a environ 30 ans et était jusqu’à récemment un buveur de bière extrêmement ambitieux : 10 litres par jour. Il est à 90 % Cherokee (son nom indien est James Inkinish) et travaillait dans une station-service au Kansas.
| Jimmy Carl Black is the drummer, is around 30, and up until recently was an extremely ambitious beer drinker: 10 quarts a day. He’s about 90% Cherokee (his Indian name is James Inkinish) and he was working in a gas station in Kansas. |
Ian Underwood a 29 ans, a un doctorat en musique de Yale / Berkeley et est un talentueux joueur de cuivres et pianiste de concert, spécialisé dans Mozart. Un jour, je l’ai rencontré au studio, il voulait rejoindre le groupe. Je lui ai demandé : « Que sais-tu faire d’extraordinaire ? » ▲ Il jouait du piano et du saxophone alto, et je l’ai engagé.
| Ian Underwood is 29, has a masters in music from Yale / Berkeley and is an accomplished woodwind player and concert pianist, specializing in Mozart. I met him in the studio one day and he wanted to join the group. I said: “What do you do that’s fantastic?” ▲ He played the piano and alto sax and I hired him. |
Bunk Gardner, dont je ne sais pas grand-chose. Il a évidemment suivi une formation au conservatoire, se rase soigneusement, coiffe ses cheveux et aime se déshabiller quand il compte de l’argent.
| Bunk Gardner I don’t know much about. He’s obviously conservatory trained, manicures his beard, combs his hair, and likes to take his clothes off when he’s counting money. |
Euclid James « Motorhead » Sherwood, je le connais depuis 12 ans. Nous sommes allés au même lycée à Lancaster. Il jouait du saxophone baryton avec les Omens. Il peut faire une danse connue sous le nom de « bug » qui ressemble à une crise d’épilepsie. C’est l’un de ces mecs dont on dit : « Je connais un type vraiment bizarre et je veux te le montrer ». Pendant un certain temps, il a géré notre équipement, et quand nous avons débuté les atrocités, nous avons commencé à lui donner nos instruments pour voir ce qui en sortait. Il jouait avec plus d’imagination que les musiciens expérimentés. Lui seul face à l’instrument à bouche, un saxophone. Il est aussi très versé en matière de poupées et d’aides visuelles.
| Euclid James “Motorhead” Sherwood I’ve known 12 years. We were in high school in Lancaster together. He used to play baritone sax in the Omens. He has the ability to perform a dance known as “the bug”, which resembles an epileptic fit. He’s one of those guys you say: “I know this guy who’s really weird and I want to show him to you”. He was our equipment handler for a while and when we started the atrocities we started handing him our instruments to see what would happen. He played things more imaginative than the proficient musicians could lay down. It was just him against the machine in his mouth, a saxophone. He is also very proficient at dolls and visual aids. |
Don Preston joue du piano électrique, de l’orgue électrique et des effets de musique électronique. Son principal titre de gloire est qu’il perd de l’argent, des centaines de dollars par mois.
| Don Preston plays electric piano, electric organ and electronic music effects. His main claim to fame is he loses money - hundreds of dollars a month. |
Art Tripp a joué pendant deux ans comme percussionniste avec le Cincinnati Symphony. Il a parcouru le monde pour le Département d’État. Il a donné des concerts en soliste interprétant des œuvres de Stockhausen et de John Cage. Néanmoins, il est tout aussi flippant que les autres membres du groupe.
| Art Tripp played for two years with the Cincinnati Symphony as a percussionist. He toured the world for the State Department. He has performed solo concerts of stuff by Stockhausen and John Cage. In spite of all that, he’s just as creepy as the rest of the people in the band. |
Je pense qu’ils sont tous. Huit ? Huit.
| I think that’s it. Eight? Eight. |
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À quelles personnes attribues-tu le mérite d’avoir influencé ton travail ?
| What people do you credit with influencing your work? |
Ça semblerait une liste stupide. Pour la plupart des gens, ça ne signifierait rien. Dans un an, peut-être que les gens seront prêts pour ces personnes-là. Maintenant, ce ne serait plus qu’une liste de noms qu’ils ne savent même pas prononcer.
| It’d just sound like a dumb list. It won’t mean anything to most people. In another year maybe they’ll be ready for these people. Now it’d just be a list of names they can’t pronounce. |
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Selon toi, dans quelle direction va la musique de nos jours ?
| Where do you think music is going now? |
La tendance la plus facile à prévoir est celle de l’éclectisme.
| The easiest trend to predict is the trend toward eclectism. |
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N’est-ce pas ce que nous avons maintenant ?
| Isn’t that what we have now? |
Oui, mais c’est seulement maintenant que les groupes commencent à s’y intéresser. Outre l’éclectisme, la musique pourrait prendre deux autres directions. La première direction est ce qu’on pourrait appeler le néo-classicisme. Les groupes, après avoir mené une série d’expériences avec les compétences techniques limitées à leur disposition, ont peut-être découvert tout ce qu’ils s’attendaient à découvrir. Après un certain temps, l’un d’eux commencera à écouter du rhythm & blues en prêtant l’oreille à la structure… il l’écoutera plutôt qu’à essayer de le chanter comme les Nègres. Pour créer de nouveaux sons, ils pourraient utiliser certaines des techniques de base des années 50. En d’autres termes, les choses pourraient devenir plus simples. Peut-être verrons-nous une résurgence de chansons sincères sur les copains et les copines. Peut-être que les gens recommenceront même à danser ensemble ▶.
| Yes, but the bands are just getting into this now. There are two different directions, besides eclectism, music might take. One is what you could call neo-classicism. Groups that have done a certain amount of experimenting with the limited technical expertise that they possess might have found out all that they expect to find out. Eventually some of these people are going to listen to R&B with an ear for structure… listen to it rather than try to sing it like Negroes. They might use some of the basic techniques of the ‘50’s to form new sounds. In other words, things might get simpler. It might be a rebirth of songs about boyfriends and girlfriends that are sincere. There is also a possibility that people will start dancing close together again ▶. |
La deuxième direction est l’idée de l’atelier. Le marché des groupes est en déclin, les groupes se séparent. Il est possible que certains membres de ces groupes aient atteint la stature musicale qu’ils désiraient atteindre et ne se soucient pas trop des conneries du business, ils pourraient donc quitter leurs groupes et rejoindre un atelier où leurs services seraient disponibles pour un système qui accepterait les réservations d’un imprésario. Qui choisirait les musiciens de l’atelier et devrait simplement leur dire de combien de morceaux il a besoin chaque fois. Les musiciens seraient prévenus une semaine à l’avance, plus une semaine pour rassembler suffisamment de matériel pour une heure. Ensuite, ils joueraient une seule fois et ne joueraient plus jamais ensemble de la même manière. Chaque fois on aurait un spectacle unique. On aurait l’occasion d’écouter quelque chose de spontané, quelque chose qui serait bon pour tout le monde. Pour les musiciens, ce serait un défi. Ils ne devraient plus jouer toujours le même répertoire. Mais je pense que le néo-classicisme est plus probable.
| The other way is the motor pool idea. The market for groups is waning, groups are dissolving. It is possible that some of the people in these groups have reached the musical stature they want and are not too concerned about the bullshit of the business, and they might drop out of the groups and join a motor pool, where their services would become available to a system that would accept bookings from a promoter. All he could do is say how many pieces he needs for a particular occasion and he would get these players from the motor pool. The players would be given one week’s notice and one week to put together one hour’s material. They would then play a show and would never play together again just that way. So you get unique entertainment each time. You get the chance to hear something spontaneous, something that would be good for everyone. Musicians would be challenged. They wouldn’t have to play the same repertoire all the time. I think neo-classicism is more likely, though. |
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Y a-t-il des sujets que nous n’avons pas abordés et que tu aimerais…
| Is there any area we didn’t get into you’d like… |
Ouais, je crois qu’il existe une loi qui stipule que si tu es jugé pour quelque chose, tu dois être jugé par un jury composé de tes pairs, n’est-ce pas ? Bien, je pense qu’une exigence minimale pour ce groupe de pairs est qu’ils doivent être des personnes de ton groupe politico-socio-économique, au moins du même groupe d’âge que toi. En d’autres termes, des jeunes aux cheveux longs ne peuvent pas être jugés équitablement par des aînés chauves ; ce ne serait pas un groupe de pairs. Si tu as les cheveux longs, le jury devrait avoir les cheveux longs aussi. Si tu prends de la drogue, le jury devrait avoir pris de la drogue. Si tu es membre de l’organisation réactionnaire de John Birch, le jury devrait être composé de membres de la même organisation…
| Yeah, I think there’s some law that says if you go to trial for something you have to be tried by a jury made up from your peer group, right? Well, I think a bare minimum requirement for this peer group is that it has to be people from your own politico-socio-economic group, at least your own age group. In other words, young people with long hair cannot be fairly tried by old people with no hair; that isn’t a peer group. If you have long hair, the jury should have long hair. If you take drugs, the jury should have taken drugs. If you are a Bircher, the jury should be Birchers… |
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Attends une minute. Es-tu sérieux ? Où trace-tu la ligne ? Aux yeux bleus ?
| Wait a minute. Are you serious? Where do you draw the line? At blue eyes? |
Je ne dis pas qu’ils doivent être tes doublons biologiques. Mais il devrait exister une définition sociologique de groupe de pairs. Tu devrais être jugé par des personnes qui voient les choses de la même manière que toi. Jusqu’à ce que ça se produise, chaque fois que j’entendrai le mot « justice », je rirai.
| I don’t say they have to be your biological duplicate. But there should be some sociological definition of peer group. You should be tried by people who see things the same way you do. Until that happens I’ll laugh every time I hear the word “justice”. |
C’est juste que… Eh bien, savais-tu qu’il existe une loi dans cette ville qui interdit de troubler la paix des policiers ? Pour de vrai ! Si un policier est assis dans sa voiture de patrouille en buvant du café et que tu klaxonnes, tu peux être arrêté pour avoir troublé la paix de ce policier. Et si tu te tournes vers ton passager et que tu parles de klaxonner, alors vous commettez un crime, c’est-à-dire une conspiration visant à troubler la paix d’un policier. Tu sais, les institutions auraient pu mettre tous les fainéants et les chevelus dans les fours, mais ça aurait créé, genre, un tollé, alors ils se sont bornés à leur rendre la vie impossible. Ils disent : « Remettez ces cons dans le droit chemin ». Voilà où nous en sommes dans ce Pays. J’en parle parce que les plaintes du public sont comme le Top 40. Il y a quelque temps, elles étaient contre le napalm à gogo et la Dow Chemical Company. Maintenant, elles sont contre d’autres choses. Raconte aux gens à propos des groupes de pairs et de la justice. Dis-leur d’y ruminer un peu.
| It’s just that… Well, do you know there is a law in this town about disturbing the peace of a police officer? There is! If an officer is sitting in his squad car drinking coffee and you beep your horn you may be arrested for disturbing that officer’s peace. And if you turn to the person sitting in your car next to you and discuss beeping your horn, that’s conspiracy to disturb an officer’s peace, which is a felony. The establishment could put all the creeps and long hairs in ovens, you know, but that’s kind of messy, so they just make things difficult. They say: “keep those fuckers in line”. That’s how far things have gone in this country. I mention this because public bitches and gripes are like the Top 40. A while ago it was napalm a-go-go and the Dow Chemical Company. Now it’s something else. Tell the people the peer group and justice. Tell them to chew on this for a while. |